Pas question de bloquer les camions, même si certains ont rencontré quelques tracas avec les forces de l’ordre. La logistique est vitale en cette période de confinement pour poursuivre un approvisionnement optimal des magasins ouverts (alimentation, pharmacies). Et si un grand nombre de Français a fait preuve d’un manque de jugeote évident, comme peuvent en témoigner certains rayons de grandes surfaces littéralement pillés, la chaîne logistique fonctionne, seulement perturbée par le sur-stockage de consommateurs irrationnels. La consommation de papier toilette a augmenté de plus de 400 %, celle du riz de plus de 100 %.
"Les personnels sont extrêmement mobilisés pour approvisionner les magasins et le taux d’absentéisme des entreprises de transport et logistique n’a pas progressé dans de fortes proportions (+5 à +10%). C’est tout à fait supportable. Les entrepôts logistiques font appel à davantage d’intérim, remarque Alexis Degouy, délégué général de l’Union des entreprises de transport et logistique de France (TLF). Nous avons quelques réglages à effectuer avec le ministère des Transports et la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGTIM) pour éviter que des chauffeurs soient bloqués quand ils transportent des palettes. Nous avons besoin de palettes, d’emballages et services annexes."
Il est primordial pour les chauffeurs de pouvoir se laver et se nourrir. Or, les points de restauration sont souvent fermés et les douches deviennent introuvables.
Le gouvernement a annoncé ce 18 mars une série de mesures pour faciliter la vie des travailleurs de la logistique et des transports. Il s'agit de "permettre aux collaborateurs de se rendre sur le lieu de travail ou de production, de maintenir ouverts de façon dérogatoire les commerces ou services indispensables à la chaîne logistique (stations-services y compris les points alimentaires, les centres routiers, les garages pour les poids-lourds, les équipements sanitaires des aires de service, etc.). Le cas échéant, des dérogations seront accordées pour assurer la fluidité des opérations de transport", indique le ministère des Transports dans un communiqué.
Tous les sites logistiques fonctionnent
"La situation est exceptionnelle et on regarde au cas par cas pour voir les volumes que l’on peut absorber, prévient Alexis Degouy. On a vu en Italie que la chaîne logistique a continué à fonctionner après 48 heures de réglages. Nous allons revenir à une consommation normale. En France, les entrepôts sont pleins et prêts à livrer. Nous demandons de la flexibilité sur les horaires des chauffeurs, les heures de livraison notamment en ville et la circulation le dimanche. Nous attendons les autorisations."
Les témoignages des entreprises confirment les propos de TLF. "Tous nos sites fonctionnent à cette heure y compris en Chine, précisait un porte-parole de FM Logistic, lundi 16 mars, à l’Usine Nouvelle. Nous avons trente entrepôts en France et ils tournent à plein régime pour approvisionner les grandes surfaces et les commerces alimentaires. Par contre, nous appliquons les mesures et les recommandations à la lettre. On demande aux salariés d’arriver en tenue de travail pour éviter de passer par le vestiaire et les restaurants d’entreprise ne sont plus accessibles. Mais la logistique joue un rôle important dans la continuité de service." En Chine, le prestataire logistique français a continué à travailler avec des équipes réduites.
Fermeture des boutiques de DHL Express
Dans le transport express, l’activité reste aussi soutenue. "Nous continuons à assurer nos opérations pour l’enlèvement et les livraisons sur l’ensemble du territoire en prenant toutes les mesures de précautions et de sécurité pour nos 2 900 salariés, informe Nathalie Marinic, directrice de la communication de DHL Express France. Nous avons fermé depuis ce matin [mardi 17 mars 2020, Ndlr] les trois boutiques parisiennes où les clients peuvent déposer leurs colis ainsi que l’accueil client de notre quarantaine d’agences, car ils sont considérés comme des lieux publics."
La filiale du groupe allemand a mis de gros moyens pour fournir des PC aux personnels pouvant passer en télétravail. DHL Express a également simplifié les protocoles lors des livraisons pour éviter les contacts, notamment en suspendant la validation par signature et en demandant aux livreurs de respecter la distance d’un mètre avec le client. L’entreprise ne livre pas que des particuliers, mais également des officines de pharmacie.
Quant à la fermeture des frontières, elle est surtout complexe pour le transport aérien, prévient TLF. Le fret ne trouve plus de place en raison de la forte réduction des vols passagers. Le maritime n’est pas concerné par la fermeture des frontières et les ports français ne sont pas à l’arrêt. Les routiers sont perturbés par les contrôles comme à la frontière allemande, mais ils n’ont jamais arrêté de livrer l’Italie.
A la SNCF, les trains internationaux réduits de 50%
Le transport ferroviaire de voyageurs n’est pas épargné par la crise du Covid-19 et les mesures prises en France et au niveau européen. La fermeture de l’espace Schengen aux non-européens et des frontières nationales a entraîné une réduction de 50 % des trains internationaux à la SNCF, mais ce phénomène touche tout le transport de longue distance en raison des restrictions de circulation. "Concernant Paris et l'Île-de-France, nous avons effectivement connu une belle fréquentation dans nos gares hier et encore partiellement aujourd'hui mais nos capacités étaient suffisantes et la situation complètement sous contrôle, explique un porte-parole de la SNCF. Loin du fantasme d'un exode majeur. Pour les jours et les semaines à venir, nous adapterons nos niveaux de circulation à ce que nous demande le gouvernement." Les salariés qui travaillent directement à la production ont été organisés en équipes doubles afin de se relayer et de pouvoir assurer une continuité de service sur le moyen et le long terme. Et la SNCF réfute toute information selon laquelle elle aurait profité de la situation pour augmenter ses prix. Des consignes ont été données pour maintenir des prix raisonnables.
Article paru dans l'Usine Nouvelle / Olivier Cognasse / 18 mars 2020.